Manufacture De Digoin – GRÈS ET POTERIES
Elle a connu bien des aventures depuis sa création en 1875. Elle restera endormie pendant plusieurs années jusqu’en 2014 quand Corinne Jourdain décide de lui faire reprendre vie. Une belle histoire de renaissance. Celle d’un savoir-faire au service d’objets du quotidien.
Lorsqu’on arrive à Digoin, en Saône-et-Loire, impossible de rater la cheminée de briques rouges qui se dresse jusqu’au ciel. Ici, en bord de canal, la manufacture de grès – une terre étanche, très résistante, déclinée en pichets de bistrot ou en plats à gratins, longtemps utilisés par les charcutiers et les fromagers, détrônée, il y a longtemps déjà par le plastique – est l’un des derniers témoins d’une activité phare de la célèbre « vallée de la céramique ». Mais avant de s’installer en Bourgogne, Corinne Jourdain emprunte un tout autre chemin.
Directrice conseil en communication au sein du groupe Publicis, son amour pour les objets manufacturés, le design et la céramique la pousse à reprendre ses études. Elle intègre l’Institut français de la mode à Paris en suivant le programme Executive MBA Global Fashion Management. C’est à ce moment-là que le projet d’acquérir une ancienne manufacture germe. Elle entame une étude de marché qui fera ressortir une tendance globale, celle d’un retour aux valeurs à travers les objets. Ce n’est qu’en 2014 qu’elle reprend la Manufacture De Digoin accompagnée par un groupe d’une dizaine d’investisseurs, issus entre autres de l’univers de l’art de vivre, de la distribution, de l’architecture et du conseil. Elle se jette à corps perdu dans cette aventure.
Son projet est ambitieux : dépoussiérer l’image du grès, associé aux teintes marron désuètes. Elle met au point une incroyable palette de couleurs, du bleu de gris, à l’encre bleu nuit, en passant par le Moutarde Jaune ou encore la fève tonka. Des teintes qui permettent la réédition de modèles anciens comme le pichet « modèle cerf », ou les terrines ovales avec leurs couvercles en forme de bécasse, sanglier ou lièvre. Pas question de révolutionner les formes. Elle propose une collection culinaire structurée autour de produits emblématiques issus de son patrimoine historique : la terrine de Paris, la boîte cylindrique, l’écuelle conique, la terrine ovale, le vinaigrier.
Des objets traditionnels repensés pour aujourd’hui et demain, réinterprétés dans un nouvel habillage et combinant les textures, les couleurs d’émaux et les matières qui créent l’inattendu.
Sa collection horticole s’inspire elle du potager, du végétal et du minéral. Des jarres, des pots de fleurs et des coupes aux formes anciennes issues des archives de la manufacture qui viennent embellir les cultures. Le tout autour de six teintes de verts qui offrent une parenthèse végétale aux balcons, terrasses et jardins. Une collection qui s’est d’ailleurs enrichie d’une gamme de bougies parfumées aux fragrances végétales en collaboration avec l’une des dernières manufactures cirières, Bougies La Française.
Ses pièces suscitent l’intérêt notamment au Salon Maison & Objet et leur succès se confirme avec l’entrée chez Habitat. La manufacture qui s’étend fièrement sur plusieurs hectares emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes. Maîtrisant l’ensemble de la chaîne de fabrication, de la confection de la pâte à partir de matières naturelles minérales françaises (pour la plupart locales, de Varennes et Bolon) à l’élaboration des plats, écuelles, bouteilles en passant par la réalisation des moules et l’émaillage, elles perpétuent cette tradition du grès, remettant au « goût du jour » les pots à vinaigre, à eau, les gobelets et pichets, les cuillères de service, cruchons, assiettes, terrines, pintes à cidre, et les écuelles de nos grands-mères.
Pour faire rayonner son image en France comme à l’international, Corinne Jourdain a quelques astuces. Elle exporte en Angleterre, aux États-Unis, au Japon, et en Australie, où le savoir-faire français est très recherché. Elle travaille aussi avec des concept-stores et des grandes marques. Et si la Manufacture De Digoin a un bel avenir devant elle, elle sait le construire chaque jour, loin des marchés encombrés. Sa valeur ajoutée réside dans le fait que son activité est semi-artisanale et qu’elle le restera.